première rencontre

La première fois que je rencontrais Ji, j’avais 19 ans.

J’accompagnais ma mère à la Centrale EDF.

Au détour d’un couloir, je vis un homme de grande stature, vêtu d’un imperméable informe, la tête recouverte d’un couvre-chef (ce qui me fit bien rire intérieurement) sortir de l’ascenseur. Il s’avança afin de saluer courtoisement ma mère, qui me présenta fièrement à lui. J’étais très jolie, la peau mate, et j’avais de longs cheveux noirs.

Il ne me fit pas bonne impression, bien que ma mère m’expliqua que c’était lui le chef de la Centrale, le grand patron, son admiration et son respect pour cet homme me paraissant bien démesurés.

Il était « vieux » et négligé…

Moi, j’étais amoureuse d’Alain. Il avait mon âge.

Ma mère était une battante, chef d’une entreprise de maçonnerie et travaux publics, elle menait de main de maître sa société et avait signé des contrats de « laveurs de carreaux » comme elle disait avec la Centrale EDF. Elle avait donc une équipe qui nettoyait les vitres de ladite Centrale, et ce soir-là, elle allait vérifier que le travail avait été bien fait.

J’allais en cours à Saint-Quentin. Je faisais des études de comptabilité, bien qu’étant avant tout une « littéraire » dans l’âme, avide de lectures, de connaissance et recouvrant d’une petite écriture fine et pointue des cahiers d’écoliers.

Nous habitions B, et pour se rendre à notre maison, nous devions passer devant la grande bâtisse - logement de fonction - où s’étaient installés Ji et sa famille. Le dernier des fils, John, guettait, caché derrière les troènes et croyant qu’on ne le voyait pas…ma jeune sœur passer.

Je me souviens de son épouse, une petite bonne femme au sourire si doux. 

A cette époque, Ji était marié, père de famille et vingt cinq ans d'avance sur moi. Seize ans plus tard, le destin allait nous mettre de nouveau en présence, lui veuf et moi au milieu d'un divorce houleux qui m'obligea à déménager dans le Sud Ouest de la France.